Biographie
MORT ET MÉMOIRE
Lors de la Première Guerre Mondiale, Emile Verhaeren a joué un rôle important dans la lutte de la Belgique libre. Il a publié plusieurs poèmes de guerre et a fait d’innombrables conférences pour soutenir la cause des troupes belges contre l’envahisseur allemand. C’est au retour d’une de ces conférences que le poète trouve la mort le 27 novembre 1916, lors d’un accident de train à la gare de Rouen.
A ce moment, Verhaeren est considéré comme un vrai monument littéraire et comme le symbole de la lutte contre l’envahisseur. Les autorités françaises proposent de lui donner un enterrement sur le sol français – même le Panthéon à Paris est mentionné – mais finalement on tombe d’accord pour enterrer le poète dans la Belgique non occupée : Le lambeau de Patrie, comme disait Verhaeren. Ainsi les dépouilles sont transférées vers le dernier recoin libre de la Flandre, derrière le front de l’Yser. Le 2 décembre 1916, Verhaeren est enterré au cimetière d’Adinkerke. Avec le tonnerre des canons au loin, l’événement ne manquait pas d’une certaine dramatique. L’écrivain français André Gide est présent lors de la cérémonie. Pourtant, le tombeau de Verhaeren ne restera pas longtemps à Adinkerke. Pour des raisons peu claires, fin 1917 ou début 1918, son tombeau est déplacé vers le cimetière de Wulveringem, non loin de Furnes.
Il n’y avait pas de raison spécifique pour cet enterrement à Wulveringem : on cherchait un lieu sûr, en attendant mieux. En fait, les amis de Verhaeren avaient en vue un endroit autrement symbolique, sur la rive de l’Escaut. Ce choix avait été inspiré par un passage du poème ‘L’Escaut’ de Verhaeren :
Le jour que m’abattra le sort,
C’est dans ton sol, c’est sur tes bords
Qu’on cachera mon corps,
Pour te sentir à travers la mort,
Encor
‘L’Escaut’, : Les Héros, 1908
Finalement on a opté pour la courbe impressionnante de l’Escaut à Sint-Amands, le village natal du poète. L’endroit aurait été désigné par Henry van de Velde, mais le monument a été bâti d’après les plans de l’architecte moderniste, Louis Van der Swaelmen.
Le tombeau, implanté sur la frontière de la végétation alluviale et du fleuve, avait l’air d’un bateau amarré. Un sentier avec deux bancs en béton se dirigeait vers un escalier donnant accès au monument, démarqué du paysage de l’arrière par quatre peupliers italiens. Sur le devant de la plateforme en béton se situait à l’origine un caveau rectangulaire, assez sobre. Il portait une plaque en granit avec le nom du poète. Sur la pierre bleue qui recouvrait le caveau, on avait gravé quelques vers du poème ‘L’Escaut’. Le tombeau de Verhaeren ne portait pas d’insignes à caractère religieux. L’inauguration du monument fut un des événements les plus impressionnants que le village de Sint-Amands ait jamais vu. Á côté du roi Albert Ier et de la reine Elisabeth, plusieurs dignitaires étaient présents.
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En 1955 – à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance du poète – Marthe Verhaeren, qui avait survécu à son mari jusqu’en 1931, a été enterrée à côté de son mari. Le caveau a été sensiblement agrandi et transformé par l’architecte Jan Lauwers. Un nouveau sarcophage en granit noir repose aujourd’hui sur un caveau hexagonal plus large. Sur le devant, on lit maintenant les noms d’Emile et de Marthe Verhaeren, accompagnés des vers : « Ceux qui vivent d’amour, vivent d’éternité » (Les Heures d’après-midi, 1905). Sur le côté gauche, on trouve les vers déjà cités du poème ‘L’Escaut’ et, à droite, une citation des Heures du Soir (1911): « Tu marchas libre et franche et claire sur ta route, Mêlant aux fleurs d’amour tes fleurs de volonté ».
Depuis 1993, le tombeau est reconnu comme monument classé. En 2009, pour parer aux inondations, le monument a été surélevé à un niveau plus haut et complètement restauré.